vendredi 24 mai 2019

Temporada cholulteca

Frenchy mais pas jambons

Cette histoire s'adresse a tous ceux qui voudront bien la lire. Elle pourra peut être rappeler des souvenirs ou paraître saugrenue. Sera peut être révoltante ou fera simplement sourire. Et peut être même rien de tout ça. On tenait à vous la raconter parce que ça nous a fait passer par tous un tas d'émotions, sur le moment, et puis on en a bien rigoler après en partageant ça avec les copains mexicains qui en réalité se sont bien foutus de nous.


"Aaa les pinches franchutes vous êtes mignons avec vos révoltes mais ici c'est le Mexique ma gueule, on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a, chacun se démerde comme il peut et ça se passe comme ça !"

On vous raconte.

Après le départ de mama Dominique, Pedro et Fabi sont retournés prendre des forces à Cholula. Ils savaient très bien la période qui les attendait. Ils sentaient poindre le creux de la vague, la période où il allait falloir prendre des décisions pour ce qui s'apparentait vraisemblablement à la deuxième partie de leur voyage. Leur bon copain Diego leur avait généreusement prêter son appart. Si ça c'est pas un bon karma ou un coup des dieux mayas, c'est probablement la relation provoquée et créée avec lui qui leur a permis de se sentir si bien. Yoni&Diego étaient là, ils suivaient nos deux amoureux, les guidaient et parfois même les embarquaient … une vraie force pour Pedro et Fabi qui s'en sont vite imprégnés. L'heure était au bilan financier. Ça n'a pas été bien long pour s’apercevoir qu'il n'y avait plus beaucoup de sous dans la caisse. Au boulot les frenchy !

En réalité, l'idée les attirait un peu ; découvrir un autre quotidien, des nouvelles personnes et mettre un petit orteil dans le monde du travail à la mexicaine. Porque no. Travailler dans un bar ou un restau, ils ne connaissaient pas et étaient ouverts à l idée. Fabi petite voulait être servante dans un RestOran, elle allait justement être servie. Comment on cherche du travail au Mexique ? Facile, il suffit d'aller à la papeterie du coin, remplir un formulaire de demande de travail on ne peut plus basique et l'apporter à qui voudra. Ni une ni deux, Pedro et Fabi se sont empressés de remplir des dizaines de formulaires avec bien entendu moultes expériences en restauration et service. Ils ont fait le tour des bars et resto de Cholula qui recherchaient des employés. Ils étaient toujours un peu étonnés de voir une annonce dans un grand resto vide avec déjà une bonne dizaine de serveurs qui attendaient les clients. Peu importe, ils n'allaient pas faire les difficile. Tiens un resto français ! Pourquoi pas ? Aller. Ils se pointent à l'entrée du resto et tombe directement sur le responsable de salle. 

Aaa oui ça fait longtemps qu'on n'a pas eu d'étrangers ! Et en plus des français, vos profils m'intéressent (ça leur a fait tout bizarre d'entendre ces mots). Je vous contacte demain le temps d'en parler à mes responsables. Mais je pense que c'est possible…

Autant dire qu'ils n'ont pas attendu leur coup de fil, dès le lendemain ils se sont pointés au resto. Le mec leur dit que c'est ok et leur demande quand est ce qu'ils peuvent commencer. Lundi ? Parfait. Pedro serait au service et Fabi ferait la quiche à la réception… Ya juste quelques détails à noter, la tenue. Pour Pedro, chemise blanche et pantalon noir exigés et pour Fabi, un robe noire « classique » (détail important pour la suite de l'histoire). Restait le dimanche pour acheter tout ça. Autant dire qu'ils n'étaient pas vraiment enthousiastes à l'idée d'aller dépenser de l'argent pour des fringues qu'ils ne reporteront probablement pas et en plus un dimanche, le jour du seigneur quoi ! –
 - Tant pis, c'est pour gagner des sous -

Lundi. Rendez-vous 15h. 14h30 sur le pied de guerre. Ils n'étaient pas vraiment convaincus de leur déguisement mais bon, ils feront l'effort. Se pointent devant le resto. Le mec n'est pas là. C'est une serveuse qui les accueille.
Aa oui, asseyez vous là je vais voir avec le responsable…
Ils s'assoient. Attendent. Observent. Des regards sur eux. Furtifs. Interrogateurs. Malaise. 
Gros malaise.
Au bout d'un long moment la serveuse retourne voir les deux français : 

- C'est que... Monsieur vous n'avez pas de chemise blanche ?
- Si si, je ne l'ai pas mise pour éviter de trop transpirer mais je l'ai dans mon sac !
- Ah d'accord, mais elle n'est pas repassée…
- Euh non mais elle est bien pliée ! 
- D’accord. Et vous n'avez pas d'autres chaussures  ?
- Euh non je les ai empruntés à un ami j'en n'avais pas d'autres
- Et vous mademoiselle, vous avez que ça comme chaussures ?
- Euh oui j'ai passé 2heures dans les magasins hier pour les trouver
- Ah, et vous n'avez pas de chaussures noires ?
- Euh… non
- D'accord. Hum… et vous n'avez pas une robe plus…… formelle ? Enfin je veux dire moins… casual ( pourrait se traduire en français par "quotidienne") ?
- Bah non en  fait je l’ai acheté hier aussi, exprès pour travailler ici ! Je suis en voyage je n'ai pas d'habits formels ! (Et même quand je ne suis pas en voyage d'ailleurs) ça ne vous convient pas ? Parce qu'en fait c'est pas une tenue casual pour moi … 
- Hummm…je vais voir avec mes responsables. Et une chose aussi. Monsieur, vous pourriez vous couper la barbe ? Parce qu'ici c'est pas très bien vu.
Gros silence. Regard rapide échangé entre Pedro et Fabi qui voulait dire la même chose.
- Aaaaalors là ça va pas être possible. Vamonos.

On ne touche pas à la barbe de Pedro ! Elle est sacrée ! C'était la goutte d’eau. Impossible pour Pedro de couper deux ans de sa vie qui plus est pour travailler dans un restau distingué dans lequel il ne se retrouvait pas du tout. Mieux vaut aller voir ailleurs.

L’apparence. Ou l'appartenance. On pourrait presque confondre ces deux mots dans la forme et dans leur sens. Être « présentable » c'est répondre à des critères, des codes sociaux définis implicitement dans n'importe quelle société.  La distinction est représentation d'argent, de réussite. Elle est aussi l'image des modèles voisins du nord et outre-atlantique. Comme rechercher d'autres processus d'identifications pour ne pas intégrer les siens. Pour les deux voyageurs, c'était un peu l'incompréhension. Ils avaient déjà observés ces comportements, principalement dans le milieu commerçant,  avec des mannequins taillés comme des anorexiques, des vêtements des années 2000 à la française, gros talons, gros fond de teint, blush, rouge, fard et compagnie pour les femmes. Pour les hommes, parfois c'étaient des mannequins métisses avec des longues dreads blondes qui apparaissaient sur les devantures de magasins… ?? Et puis les publicités. Toutes les publicités affichées dans les grandes villes sont représentés par des blancs. Un après-rasage ? Un beau blond pas poilu. Deux bouteilles d'eau pour le prix d'une ? Ricky Martin qui semble vraiment content. Des petits pots pour bébés ?  Systématiquement un mini blanc à quatre pattes qui rigole. L'achat d'une maison ? Une jeune famille blanche au comble du bonheur. Bref, l'observation avait été assez flagrante en réalité. A côté de ces représentations, le point fort du Mexique est la revendication de leur culture. La fête des morts qui n'existe nulle part ailleurs comme ici, la culture maya et la croyance forte aux dieux de la nature, les animaux, les plantes, le soleil et les planètes, les langages huitchol ou quetzal encore parlés, les revendications d'autonomie toujours présentes des communautés indigènes du Chiapas…  Malgré la forte influence de mondialisation du pays, on ressent que les mexicains sont souvent fiers de leurs terres et de leurs identités. 
Tout ça pour dire qu’ils ont pris en pleine gueule le phénomène d'intégration sociale. Tu veux ce boulot ? Tu veux rentrer dans cette case ? Alors débrouilles toi pour te fondre dans le moule comme il faut. C'est ce qui se passe dans la plupart des sociétés et des entreprises bien sur. Se fondre dans la masse pour s'assurer intégration, acceptation et donc réussite !  C'est quand même pas compliqué ! 
Sauf quand on sait que ça ne nous fera pas du bien. Que ce n'est pas pour nous. Qu'on ne veut pas répondre à ces codes qui sont représentatifs d’enfermement et de silence. Pour nous c'est pas bien grave, c'était facile de dire non, mais ça n'est pas toujours le cas...



Finalement Pedro et Fabi auront trouvé du travail dans la grande brasserie artisanale qui venait d'ouvrir à Cholula. Ils recherchaient du monde et leurs petites têtes blanches a plu. Ils auront bossé trois semaines là bas et aussi dans un grand restau, qui marchait à l'adrénaline toute la soirée. Courir. Laver. Servir. Mais aussi discuter. Expliquer. Échanger. Une expérience qui leur a plu le temps de quelques soirées. Ils ont aussi relancés la production de muffins, cette fois çi salés. Un vrai succès. Les mexicains sont curieux concernant l'alimentation, ils aiment découvrir des nouvelles saveurs.


Un point important dans cette expérience c'est les salaires. Les responsables ont l'habitude d'employer beaucoup de monde, pour les payer une misère.  8h de boulot pour à peine 10 euros. Ils ont compris à ce moment toute l'importance du pourboire systématique dans le pays. C'est souvent la moitié parfois même la totalité du salaire des serveurs. 
#SaludALaPropina







On a tous au fond de nous des long chemins de cailloux,
Des pianos sur les épaules et des grosses larmes de saules
Des sentiers plus lumineux qui mènent aux matins heureux
Et cette force qui nous charrie
Et nous fait aimer la vie
Puis un jour moins de bobos dans la tête
Tranquillement le retour du cœur a la fête
Reviendront les rêves et les projets
Cette sève qui coule c'est avril qui renait
Mais pour vivre ces moments plein de grâce
Il faut d'abord trouver sa place

On grandit à force d’expérience
C est peut être ça qui donne du sens à l’existence
Mais quand on ne peut aller de l'avant
C est qu’il faut alors s’arrêter au tournant
Pour comprendre d’où viennent les bobos
Et enfin pouvoir s'en délester le dos


J'ai pas pu résister !  -> Les Cowboys Fringuants, Bobo

4 commentaires:

  1. 👍j'ai beaucoup ri en lisant. Oui Je sais je ne devrais pas mais je vous imaginais tout a fait. Restez comme vous êtes. Bisous

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  2. C est joliment écrit ! Et tellement vrai ! Ne changez pas ! Gros biosus

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